Véritable garde-manger de l’humanité, la mer avait déjà partagé avec nous ses fruits. Mais voici que sa générosité va jusqu’à vouloir nous faire découvrir ses légumes aquatiques, les algues.
Certes, on connaît les feuilles d’algues qui servent à enrouler les sushis. Mais les algues, c’est bien plus que ça ! Il s’agit en fait d’un groupe hétérogène, qui comprend des centaines de plantes vivant en eau douce ou salée. Certaines sont microscopiques – moins d’un millimètre –, d’autres vont jusqu’à des centaines de mètres comme pour les laminaires géantes.
On classe habituellement les algues comestibles par leur couleur : vertes, brunes et rouges. Les plus courantes dans le commerce sont la laitue de mer, les cheveux de mer, la dulse (ou petit goémon), la mousse d’Irlande, le haricot ou spaghetti de mer, la nori (utilisée pour les sushis), le wakame, l’hijiki, le varech et les laminaires.
Au Québec, les eaux côtières, peu polluées, sont d’importantes ressources naturelles en algues. Selon les experts, l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent regorgent d'espèces d’algues.
Le Québec, une mer pour les algues ?
Les qualités nutritives des algues ne semblent pas être remises en doute. Contenant des vitamines B9 et K, efficaces pour diminuer le cholestérol et l’hypertension, les algues seraient mêmes anticancéreuses. Et pour la consommation ?
Au Québec, MERINOV, le Centre d'innovation de l'aquaculture et des pêches du Québec, s’occupe particulièrement des travaux entourant la production et l’information liées aux algues. Fondé en 2010 par le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), le Cégep de la Gaspésie et des Îles et l’Université du Québec à Rimouski, voilà un centre de recherche qui contribue « au développement durable de l'industrie québécoise de la pêche, de l'aquaculture et de la valorisation de la biomasse marine tout en favorisant le développement de l'expertise de ces secteurs. »
Concrètement, Karine Berger, chargée de projet à MERINOV en valorisation des produits marins, explique que l’équipe « qui travaille sur les algues compte huit années d’expérience dans le domaine. Une chaire de recherche industrielle dans les collèges du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) pour la mise en valeur des macros algues est également en activité depuis 2012, avec le soutien de cinq entreprises partenaires. »
Sans se comparer à la Chine qui produit 11 millions de tonnes – 800 tonnes au Québec pour une dizaine d’entreprises -, l'exploitation québécoise des algues commence à se développer. Le développement des marchés de l’alimentation humaine, des nutraceutiques (substances alimentaires bénéfiques pour la santé) et des cosméceutiques (produits biologiques au service de la beauté) ainsi que ceux des composts et fertilisants horticoles à base d’algues marines suscite de l’intérêt. Pour Karine Berger, le développement de l'industrie des algues passe « par la récolte des algues échouées, par l'exploitation durable des populations naturelles et par le développement de l'algoculture. »
Paysan de la mer
L’Acadien Stéphane Maddix Albert vient de démarrer Varech Phare Est. Son entreprise située à Cap-au-Renard, en haute Gaspésie, dans la région de Ste-Anne-des-Monts, récolte et met en marché cinq types d’algues : le nori et wakame de l’Atlantique, la dulse, le kombu royal et finalement la laminaire.
Vêtu d’une combinaison de plongeur et coiffé de sa sempiternelle tuque rouge, Stéphane Albert passe son temps dans l’eau. Du moins, entre la fin avril et la fin juin ! C’est la courte période à laquelle dure la récolte d’algues. « Je ne récolte que les algues qui sont accrochées aux rochers. »
Une fois récoltés, ses laminaires ou son wakame sont suspendus dans un séchoir. Ils y passeront entre 24 et 48 heures. Puis ce sera la mise en marché. Pour l’instant, ses sachets d’algues sont distribués dans près d’une quinzaine de points de vente. Du Marché du Vieux Port à Québec au marché Jean-Talon à Montréal, en passant par Les délices de la mer à Sainte-Anne-des-Monts ou La Semence à Rouyn-Noranda, Varech Phare Est s’évertue à donner des idées pour cuisiner sa production. Bien sûr dans le riz ou dans du potage, mais dans une purée, c’est aussi délicieux. La dulse, par exemple, peut se manger comme croustille. Sa couleur rouge et son goût rappelle un peu le bacon. À déguster aussi en salade ou dans une quiche.
Pourquoi, quand on a la jeune vingtaine, s’intéresser à l’algue ? Par goût et par choix écologique. Enfant, dans son Acadie du Nouveau-Brunswick, son assiette était souvent remplie d’algues. Quant au choix écologique, c’est tout simple : « J’ai le goût, confie-t-il, de produire une nourriture saine, renouvelable et qui demande peu de pétrole. »
Celui qui voit déjà son entreprise passée à une seconde étape en transformant les algues en condiment ou en croustilles, tient aussi à s’inscrire dans une prise de conscience de la préservation du St-Laurent. De concert avec la boutique Les Jardins de la mer de St-André-de-Kamouraska, Varech Phare Est fait partie d’une campagne de sensibilisation citoyenne, « Coule pas chez nous », qui diffuse de « l’information afin de mieux comprendre l’enjeu pétrolier » et les projets d’oléoducs dans le fleuve. Vous remarquerez d’ailleurs que les sachets de la compagnie gaspésienne portent un étiquette : « PRODUIT MENACÉ par le développement pétrolier dans le St-Laurent ». Histoire de nous rappeler qu’algues et beluga mènent un même combat.
Pour en savoir plus sur les algues :
http://www.varechphareest.com/
http://www.cuisineaz.com/recettes/recherche_v2.aspx?recherche=algue