À moins de vivre en ermite, il est impossible de passer à côté de la campagne publicitaire « Aliments du Québec : toujours le bon choix ! » Cette campagne semble porter fruit, puisque, selon un rapport du Conference Board du Canada publié en 2013, 29 % de la production alimentaire globale du Québec est consommée par les Québécois, situant ainsi la province au premier rang. D’où vient un tel engouement ?

 

Plusieurs facteurs pourraient expliquer cet engouement. Pour commencer, le mouvement Slow Food, qui a pris racine en Italie en 1986, a parmi ses objectifs la promotion des produits alimentaires locaux. Par la suite, les crises alimentaires comme celle de la vache folle de 1996 ont miné la confiance des consommateurs et ont plus tard soulevé la question de la traçabilité des produits alimentaires. De plus, à l’ère de la mondialisation, les producteurs locaux doivent redoubler d’efforts afin de maintenir leur compétitivité face à la concurrence étrangère. Suite au Sommet de l’agriculture québécoise, qui a eu lieu en 1992, le gouvernement québécois met en place la Filière agroalimentaire du Québec. En 1996, cette même Filière créera l’organisme Aliments du Québec.

 

Claudia Charuest, coordonnatrice communications, publicité et événements pour Aliments du Québec, situe la tendance pour les aliments locaux autour de 2009, alors que le logo de l’organisme devient encore plus présent. Citant les raisons des Québécois d’acheter local, elle mentionne : « Il y en a qui achètent local pour des raisons économiques, pour réinvestir dans l’économie québécoise. Il y en a qui achètent local pour des raisons plus écologiques. Il y en a [qui achètent] pour des raisons sociales, de supporter des emplois. Je pense que c’est un peu à chacun d’avoir sa raison d’acheter québécois. »

 

En 2012, une étude menée par la Chaire Bombardier de gestion de la marque de l'Université de Sherbrooke et l'Unité Mixte de Recherche Marchés, Organisations, Institutions et Stratégies d'Acteurs (UMR MOISA) de Montpellier (France) a démontré que l’étiquette Aliments du Québec se retrouvait au premier rang en tant que meilleur capital de marque. Cela signifie que les Québécois reconnaissent davantage ce logo lorsqu’il s’agit de choisir un aliment local. Cependant, si Aliments du Québec a contribué à une reconnaissance des produits locaux alimentaires, cette tendance a existé longtemps selon Odette Chaput, directrice générale de Terroir et saveurs :

 

« Dans le temps, il y avait des marchés publics et on s’intéressait aux produits locaux ou régionaux, mais on peut dire que depuis dix ans, il y a vraiment une nette progression. On sent vraiment l’engouement pour les produits locaux ou régionaux. Les gens ne font pas que juste les acheter, ils vont aux  sources, ils vont chez les producteurs et font l’expérience d’aller sur place aussi pour mieux connaître les produits et se les approprier. »

 

Selon une étude de l’Association des marchés publics du Québec menée en 2008, on estimait à 65 le nombre de marchés publics présumés en exploitation au Québec. Parmi ceux-ci, 65 % d’entre eux ont moins de dix ans d’exploitation. En 2014, le nombre de membres actifs est de 89, ce qui confirme la tendance pour les marchés publics et les produits alimentaires locaux.

 

Or, les marchés publics ne sont pas les seuls à profiter de la vague des produits locaux. Florent Gravel, président-directeur général de l’Association des détaillants en alimentation du Québec, aborde la promotion effectuée par les grands distributeurs :

 

« On a vu Métro faire une annonce qui avait des projets pilote dans certaines régions avec des artisans locaux dans différents produits. On voit Provigo avec sa bannière Provigo Le Marché ou quand on modifie un magasin Loblaws en Provigo Le Marché. On a vu IGA relancer les fromages quand on a eu la problématique [de la listériose]. Je pense que les entreprises font de plus en plus d’efforts pour mettre en évidence les produits locaux. »

 

Cependant, la part de consommation des produits locaux par les Québécois reste faible. « Dans ce qui est produit au Québec, la part des produits québécois qui se retrouve dans l’assiette des consommateurs – ça peut autant venir de l’épicerie que de l’hôtel ou d’un restaurant – on l’évalue à peu près 33 % », estime Annie Tessier, agente à la commercialisation pour l’Union des producteurs agricoles.

 

Que reste-t-il à faire ? Nos intervenants ont proposé différentes solutions, passant à plus de sensibilisation auprès des consommateurs à une entente spécifique entre les producteurs et les distributeurs. Du côté d’Aliments du Québec, l’organisme a lancé en juin dernier un projet pilote qui se veut être un programme de reconnaissance pour les restaurants mettant à l’avant des aliments québécois. Alors que la saison touristique tire à sa fin, est-ce que ce projet a connu un bon départ, autant chez les producteurs que chez les restaurateurs ? C’est ce que nous verrons au cours des prochains articles.