Lorsqu’on aborde le sujet de la cuisine québécoise, il y a de fortes chances que la poutine ou la tourtière soit mentionnée dans les conversations. Pourtant, le patrimoine culinaire québécois est plus complexe qu’il n’y paraît. De la sélection d’un plat national aux recherches d’historiens, il existe différentes façons de mettre en valeur ce patrimoine.

 

De l’histoire de l’alimentation à la mise en patrimoine de la gastronomie

Si, à partir du début du XXe siècle, plusieurs chercheurs ont effectué des recherches sur ce que les Canadiens mangeaient à l’époque de la Nouvelle-France, il faudra attendre jusqu’aux années 1980 pour voir l’apparition d’une histoire de l’alimentation méthodologique et variée au Québec. C’est par contre dans les années 2010 qu’on s’intéresse de plus en plus à la mise en patrimoine de la gastronomie québécoise, devenue un sujet d’intérêt grandissant en popularité (télévision, revues, livres de recettes, etc.).

 

Qu’est-ce que le patrimoine? En nous basant sur la définition donnée dans le collectif Gastronomie québécoise et patrimoine, « [l]e patrimoine advient lorsqu'une collectivité identifie un objet pour lequel elle manifeste un goût particulier et décide d'en faire un emblème qui sera reconnu par tous, c'est-à-dire par ses membres (actuels et idéalement futurs) et par les autres nations, puisqu'il s'agit d'une sorte de preuve d'identité ». Appliqué à la gastronomie, le patrimoine peut prendre la forme de plats qui représentent une région ou un pays déterminé. Existerait-il un plat représentant le Québec?

 

Déterminer un plat national

En novembre 2007, le quotidien Le Devoir a demandé à ses lecteurs de déterminer le plat national du Québec. Parmi les critères recherchés, il y avait l’ancrage solide du plat dans la tradition culinaire familiale québécoise, mais aussi la transmission de la recette de génération en génération ainsi que sa reproduction « sur une base régulière dans les cuisines de la province, et ce, selon une base culinaire plus ou moins homogène ». En d’autres termes, cela signifie que le plat doit sensiblement être le même selon le lieu où il est cuisiné, que ce soit à Montréal, à Québec ou à Sherbrooke. L’utilisation d’ingrédients locaux ainsi que l’apparition du plat en dehors des ménages font également partie des critères caractérisant le plat national.

 

La recette qui s’est distinguée le plus parmi les suggestions des lecteurs est le pâté chinois. Son origine la plus plausible remonterait dans les années 1920, alors qu’il était « composé d’une couche de riz, d’une couche de viande haché et d’une autre couche de riz ». Un autre plat, mentionné à plusieurs reprises par les lecteurs, devient le « dessert national » : le pouding chômeur, associé à la crise économique des années 1930. Deux plats qui, comme l’a mentionné l’historienne Hélène-Andrée Bizier dans ce dossier, sont nés dans la nécessité et continuent à être savourés de nos jours.

 

La complexité d’une cuisine nationale

Pour plusieurs personnes, la cuisine québécoise est plus complexe et variée que le pâté chinois ou la poutine. C’est notamment le cas de Cuisine Patrimoine du Québec, un organisme sans but lucratif fondé en 2012 par Michel Lambert, Guillaume Cantin et Audrey Simard. Selon eux, la cuisine québécoise est métissée et ouverte sur le monde : influencée par les cultures autochtones, française et britannique, elle s’est enrichie par l’apport « de nombreux plats européens, de plats asiatiques, africains et moyen-orientaux. » Récemment, M. Lambert a publié sur son blogue, Québec Cuisine, une série d’articles sur les plats typiques du Québec tout en portant une attention particulière aux variétés régionales.

 

En conclusion, rappelons-nous qu’il y a patrimoine lorsqu’un groupe identifie un objet qui les représente et qui sera reconnu par tous, autant par le groupe que par les autres personnes. C’est le cas du repas gastronomique des Français, qu’on peut retrouver dans la liste du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. Avant que la cuisine québécoise soit identifiée sur une telle liste, il reste beaucoup de travail pour sensibiliser la population et ses représentants politiques. Néanmoins, aussi longtemps que cette cuisine continue à être pratiquée, celle-ci demeurera vivante et continuera à être une source d’inspiration pour les restaurateurs.