Depuis quelques années, vous avez probablement eu la chance de constater des changements lors de vos sorties au restaurant. Le code-barres affiché sur votre facture est le fruit d’un module d’enregistrement des ventes, communément appelé MEV. C’est par le biais d’un MEV qu’un restaurateur peut recueillir des données et les enregistrer dans le cadre de ses déclarations à Revenu Québec. Obligatoire depuis le 1er novembre 2011, le MEV a causé quelques maux de tête auprès des restaurateurs. Néanmoins, les données recueillies permettent à Revenu Québec de contrer l’évasion fiscale.

 

Il faut remonter en 2010, lorsque le ministre des Finances de l’époque, Raymond Bachand, a annoncé des mesures sans précédent afin de contrer l’évasion fiscale. Parmi les mesures annoncées, Revenu Québec devenait, à partir du 1er avril 2011, une Agence autonome et imputable. L’organisme, gagnant plus de pouvoir, pouvait lutter efficacement contre les cibles prioritaires, telles que le secteur de la construction, de la contrebande du tabac et de la restauration.

 

François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’Association des restaurateurs du Québec, connaît bien le dossier : « Le gouvernement estimait qu'il y avait un taux d'évasion d'à peu près 14 % dans l'industrie [de la restauration]. Il estimait qu'il y avait des pertes d'évasion fiscale annuelle d'environ 420 millions par année. »

 

Pour l’année 2007-2008, parmi les montants perçus par les restaurateurs, mais non remis à Revenu Québec, on y retrouve 133 millions de dollars en TVQ et 84 millions de dollars en TPS. Certaines entreprises usaient d’ingéniosité afin d’empocher des montants considérables, en ayant recours à un camoufleur de ventes par exemple. Cependant, le prix à payer est élevé.

 

Le 11 mars 2008, une enquête de Revenu Québec a mené à huit mandats de perquisition dans les régions de Laval, de Montréal, de Mascouche et de Châteauguay. La société visée, Les systèmes informatiques Logicaisse ltée, a été accusée d’avoir conçu et distribué un camoufleur de ventes, aussi appelé zapper. L’entreprise a été condamnée à payer une amende totale de 140 000 $. L’histoire est cependant loin d’être terminée.

 

Les systèmes informatiques Logicaisse ltée ont récidivé, puisque, le 14 juillet 2009, Revenu Québec a exécuté deux mandats de perquisition au siège social de la société suite à une inspection ayant eu lieu le 30 janvier 2009. Le 22 avril 2014, au terme d’un procès ayant duré 16 jours, la société a été condamnée à payer une amende de 350 000 $. Depuis le 9 août 2014, Les systèmes informatiques Logicaisse ltée ne sont plus autorisés à installer des MEV et à offrir un service de soutien informatique en raison du lien de confiance rompu avec Revenu Québec. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, le prix à payer est élevé.

 

Un autre exemple de fraude concerne cette fois-ci la société Québec Resto inc. Le 13 octobre 2011, soit quelques semaines avant l’obligation des restaurateurs québécois de se conformer aux nouvelles mesures de lutte contre l’évasion fiscale, Revenu Québec a exécuté trois mandats de perquisitions à Saguenay, Lévis et Québec. L’organisme soupçonnait la société d’avoir contrevenu à la Loi sur la taxe de vente du Québec en omettant de déclarer des montants de TVQ, soit un total de 43 590 $ durant la période du 1er février 2006 au 31 janvier 2009. Cette omission pourrait coûter à la société le montant éludé en plus de s’exposer à des poursuites et à des amendes pouvant varier de 125 % à 200 % des montants contournés.

 

C’est pour éviter ce type de fraude que, dès 2009, un projet pilote utilisant les MEV a été créé. Ce projet, nommé Facture obligatoire dans le secteur de la restauration, a impliqué la participation d’une cinquantaine de restaurateurs et d’hôteliers volontaires. Cinq ans plus tard, quel impact ce projet a-t-il eu sur les restaurateurs ? C’est ce que vous saurez dans le prochain article.