L’auteur et comédien Bernard Assiniwi avait écrit en 1972 chez Leméac Recettes typiques des indiens. Quarante ans plus tard, Manuel Kak’wa Kurtness publie PachaMama : cuisine des Premières Nations. Et l’an dernier, Martin Gagné, chef exécutif à La Traite de Wendake y allait de Gastronomie des Premières nations : rites de passage. À 30 km de Québec, la cuisine autochtone prend tout son sens. Kwe… bonjour et bienvenue en territoire wendat.
Martin Gagné est là depuis les débuts de l’Hôtel-Musée Premières Nation, soit depuis 2008. Pour être à la hauteur de cet établissement qui fait la réputation de la communauté huronne-wendat, l’ancien sous-chef du Manoir Hovey a fait beaucoup de recherches quasi ethnographiques sur la cuisine amérindienne. Le résultat donne un menu qui fait évidemment une place importante au gibier : cerf, wapiti et caribou du Nunavut se disputent les faveurs du public dans un lieu où rivalise un intérieur boisé avec une splendide terrasse.
En cours de discussion, le jeune chef déplore que la viande de caribou ne soit pas plus disponible au sud. « Il y a 40 carcasses de caribou pour 40 chefs à Québec. » À tel point qu’il s’en est ouvert au conseil de bande. « On m’a expliqué que la viande envoyée au Nord coûte très chère. Depuis un certain temps, les Inuit ont donc décidé de garder davantage pour eux les caribous qu’ils chassent. »
Au menu : découvertes boréales insoupçonnées
Du castor au menu ? Martin Gagné serait le premier à en mettre à sa carte. La Traite étant dans une réserve, elle relève de la juridiction canadienne. Donc, la viande qu’il cuisine doit être inspectée dans une boucherie fédérale. « Les inspecteurs ne sont pas habitués à inspecter ce type de viande. » Trop compliqué pour le gouvernement. N’ayant personne pour la vérifier, le menu s’en trouve hélas dépourvu.
Heureusement, ça n’empêche pas Martin Gagné d’avoir imaginé une carte où la créativité et la valorisation des produits naturels sont au rendez-vous. Bien sûr, on y retrouve sans grande surprise le fameux potage des trois sœurs si typique à la cuisine des Premières nations, soit le mais, la courge et le haricot. Mais à quel endroit peut-on, par exemple, déguster un pavé de mousse de foie gras à la gelée de sureau sur bannique grillée ou encore des escargots à la crème de quenouilles et fleurs d’ail ? Et ça, ce n’est que pour l’entrée.
Faisant fumer son saumon presque à tous les deux jours, le chef, dont les origines autochtones remontent à la quatrième génération, présente notamment son saumon fumé à froid, accompagné d’une confiture d’argousier sur un vert tendre de feuilles.
Ça vous dirait d’essayer le loup marin ? Grillé à la moutarde de salicorne, un plat « très populaire auprès de la clientèle » assure le chef. On peut aussi avoir un faible pour l’esturgeon fumé fileté, accompagné de dulce de mer (sorte d’algue) et assorti d’un beurre de pommes et des perles de grenade.
Comme c’est de plus en plus la coutume pour les bonnes tables, Martin Gagné se sert aussi à partir du potager de l’hôtel. Topinambour, menthe sauvage, sureau ou encore fenouil boréal poussent allègrement à l’ombre de l’hôtel-musée.
Et pour le printemps ?
L’artiste culinaire et originaire de Sherbrooke ne s’assoit pas sur ses lauriers. Pour la saison printanière, il propose bison, homard des Îles-de-la-Madeleine, lapin, côte de cerf. Une invitation est faite aussi pour les fromages proposés à La Traite dont L’Algonquien, un fromage de chèvre boucané de la fromagerie La cabriole.
Et bien que la cuisine autochtone, mis à part pour le sirop d’érable évidemment, ne soit pas réputée pour ses desserts, il n’empêche qu’on réussit à trouver sur le menu des recettes faites à partir de petits fruits comme un pouding de fruit sauvages ou encore de la pâte de fruit en gelée que ce soit à partir de la framboise ou de l’amélanchier.
Une visite à La Traite, que ce soit pour le repas du midi, du soir ou le fameux brunch du dimanche, permettra de faire tomber certains préjugés comme l’écrivait si justement le regretté Bernard Assiniwi. « Ne croyez surtout pas que nous ne connaissions le chaudron que depuis l’arrivée de Jacques Cartier ! Nous avions, auparavant, les plats et les pots de terre cuite. » Et tout un assortiment d’épices !