Les campagnes de sensibilisation à la consommation de produits alimentaires locaux font-elles une différence pour les producteurs québécois ? Il serait difficile d’en faire un portrait exhaustif dans l’immédiat, mais, comme nous avons pu le remarquer dans notre dernier article, l’impact dépend de plusieurs facteurs. Par exemple, le choix de l’élevage, mais également la taille de l’entreprise, peuvent influencer le succès ou l’échec de ces promotions. Ces dernières ont-elles une portée sur les restaurateurs ?

 

Située à Ham-Sud, le restaurant de l’Auberge La Mara s’intéresse aux produits alimentaires locaux depuis son ouverture, en 1996. Depuis, il a obtenu l’accréditation Green leader, une reconnaissance attribuée par TripAdvisor, et s’approvisionne auprès d’une dizaine de producteurs locaux, dont la bergerie La Marie Bergère.

 

« Je sais qu’en parlant avec les restaurateurs, la majorité [d’entre eux] pense qu’en utilisant des produits locaux, québécois, que les coûts sont plus élevés, explique Daniel Lamoureux, propriétaire de l’auberge. Alors ça c’est un mythe, parce que ce n’est pas nécessairement vrai. » De plus, il ajoute que grâce à une entente spécifique avec le producteur, cela devient aussi avantageux pour le restaurateur que pour le producteur en calculant le coût de revient des aliments.

 

De son côté, Cédric Désilets, chef au restaurant La Coupole à Montréal, affirme que les produits dits artisanaux vont coûter un peu plus cher, mais qu’il ne s’agit pas d’une hausse de coûts alarmante. Ouvert depuis six ans, le restaurant s’est toujours intéressé aux produits alimentaires locaux, mais leur offre s’est intensifiée depuis leur collaboration avec la chef Anne Desjardins. Au moins 80 % des produits cuisinés pour leur menu sont des produits locaux, dont le poulet de la Ferme des Voltigeurs.

 

« Il y [a des producteurs] qui sont de plus gros joueurs, puisqu’ils sont distribués par des personnes comme GFS ou Sysco, constate M. Désilets, mais il y a encore beaucoup d’artisans qui sont un peu plus petits et que leurs produits sont moins connus. Alors il faudrait peut-être plus aller chercher ces gens-là pour créer une association pour qu’il y ait plus de visibilité. »

 

La visibilité n’est peut-être pas le seul inconvénient. Céline Montreuil, directrice des communications de la société de franchises Piazzetta, souhaiterait que leur usine de production s’approvisionne davantage en produits locaux, mais les producteurs ne peuvent en fournir en assez grande quantité, possiblement victimes de leur succès.

 

Fondé en 1989, le premier restaurant Piazzetta utilisaient des fruits et légumes locaux, mais depuis les cinq ou six dernières années, l’offre de produits alimentaires locaux a augmenté considérablement avec les fromages, les viandes et les charcuteries québécoises, incluant les produits du Fou du cochon et Scie. Est-ce que la mise en place du programme Aliments du Québec au menu a favorisé le choix des clients ?

 

« Nous, on a une clientèle qui était déjà sensible [aux produits locaux], répond Mme Montreuil. Donc pour nous, quand on met ça dans notre menu, ça vient juste confirmer notre clientèle dans leurs goûts et dans leurs choix. »

 

D’après un rapport de 2011 du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, le secteur de la distribution ainsi que celui de l’hôtellerie, de la restauration et de l’institutionnel achètent plus de 9 G$ en produits québécois, dont 569 M$ en produits frais et 8,5 G$ en produits transformés. Quant aux importations internationales, elles valent 4 G$ alors que les importations interprovinciales valent 3,9 G$.

 

En effectuant quelques calculs, nous pouvons constater que ces secteurs s’approvisionnent principalement au Québec. Cependant, accordent-ils davantage de visibilité à la provenance de leurs produits achetés ? Auprès des restaurateurs interviewés, nous avons pu remarquer que la valorisation de produits alimentaires locaux était avant tout une orientation choisie dès la fondation de leur restaurant. S’il reste du travail de sensibilisation auprès d’autres restaurateurs, est-il possible pour les producteurs de tirer leur épingle du jeu, par exemple en devenant restaurateur à leur tour ? C’est ce que nous allons découvrir dans le dernier article de notre série.