Il a rendu son tablier du Château Frontenac il y a 18 mois après 20 ans à diriger les cuisines du plus célèbre hôtel du Québec. Soit. Mais, ne vous inquiétez pas, Jean Soulard en a bien d’autres en réserve !

Pour qui aime tant soit peu la cuisine, rencontrer Jean Soulard, c’est comme avoir un rendez-vous avec Jean Béliveau ou Guy Lafleur. Ou plutôt avec Michel Platini ou Thierry Henri parce que celui qui est né en France, en 1952, dans le pays vendéen préfère le foot au hockey ! Mais bref, voilà une rencontre avec un grand de la cuisine québécoise !

Il m’attendait chez Belley, un bistro en face du Marché du Vieux-Port à Québec. Là où Radio-Canada lui avait donné le micro cet été à titre d’animateur pour diriger le plateau de la passionnante et gourmande émission Bien dans son assiette. C’était la première fois qu’il animait une émission. « La première semaine, je n’en ai pas dormi! » Mais il voulait faire de la radio, alors pourquoi refuser ? Il voulait écrire : le Soleil lui a proposé une chronique hebdomadaire. « En fait, le téléphone n’a pas arrêté de sonner depuis mon départ du Château. » Une transition qui a été pensée, réfléchie des mois à l’avance. « Des mois ? Des années vous voulez dire. J’étais rendu à un passage dans ma vie, du point de vue de l’âge, et je ne voulais pas mourir au bout des fourneaux ! »

Jean Soulard s’est aperçu que quitter le Château Frontenac, c’était bien plus que quitter 20 ans de sa vie à gérer l’ensemble de la restauration d’un hôtel aussi mythique que le Château. « C’est en fait 45 ans de carrière que je quittais. Ça, je m’en suis aperçu quand j’ai quitté le Château. »

Des racines solides

En regardant les murs du Belley, le chef n’est pas sans se rappeler que l’une de ses grands-mères avait aussi un bistro intimiste à la Gaubretière, dans le bocage vendéen. « Mon autre grand-mère avait une boulangerie. J’ai grandi là-dedans. Je me rappelle qu’une tante faisait aussi du jus de radis, qui avait, dirons-nous, certaines propriétés ! Mais en fait quand on y repense, ce village tout petit avait tout au niveau de l’éducation de base. Des bases qui peuvent t’amener ailleurs. »

Et aujourd’hui, alors que le mot retraite est loin d’apparaître dans Le grand Soulard de la cuisine, son dernier livre, « la seule chose que je me demande, est-ce que je vais avoir du fun dans ce que j’entreprends ? »

Visiblement, il en a !

En demande !

« Ce que je n’avais pas prévu, c’est faire de la consultation. » À titre de consultant, il a des contrats avec l’Université Laval ou encore le nouveau Musée des beaux arts du Québec., qui est en pleine construction. Dans ce deuxième cas, « c’est de monter un dossier pour permettre à un propriétaire de gérer toute la restauration de son entreprise. »

Grâce à ses liens avec l’Université Laval où la Coop lui demande conseil pour la gestion de la cafétéria que l’université vient de lui octroyer, Jean Soulard a rencontré le chercheur et ex-athlète olympien en patinage de vitesse, Benoît Lamarche. Résultat : un 9e livre en préparation, cette fois-ci écrit à quatre mains sur le sport et la nutrition. « C’est un sujet qui me branche. C’est ma vie aussi. Je fais du triathlon, de la course, du marathon, du vélo. J’ai toujours fait du sport pour entretenir ma tête. »

Et il y a aussi le nouvel amphithéâtre ! Jean Soulard a une entente avec une grosse compagnie américaine qui gère la restauration dans d’autres stades aux États-Unis. C’est l’une des trois compagnies qui ont postulé pour obtenir la gestion de la restauration. « Ils m’ont demandé explique-nous Québec? Qu’est-ce que veulent les Québécois? C’est un gros truc avec un restaurant gastronomique, les loges, les bars…» Mais pour l’instant, tout le monde respire par le nez, aucune décision n’est encore prise quant au choix du gestionnaire des cuisines.

La cuisine québécoise dans tout ça ? 

« On a fait des pas de géant. Je dis souvent à la blague : on avait trois sortes de fromage, il y a 30 ans, du blanc, du jaune et du deux couleurs ! »

Pour celui qui a introduit le concept des ruches en pleine ville de Québec sur le toit du Château et qui prend maintenant plaisir à prendre le temps de parler avec les artisans de la terre, il doit bien y avoir un truc ou deux à améliorer en matière de produits alimentaires. « Là où on pourrait s’améliorer, c’est au niveau de la pêche, Il y a du travail à faire. En épicerie, on ne sait pas toujours d’où ça vient. Il y a aussi le respect de la pêche. Certaines espèces sont trop pêchées. »

Le consommateur, lui ? Qu’aurait-il à développer ? Sa curiosité sans doute. « Il y a tellement d’autres produits à connaître. La nourriture, c’est social. Par exemple, la lotte, c’est extraordinaire comme goût et c’est moins cher que le saumon ou le flétan. »

Un dernier mot, Monsieur Soulard, avant de repartir à la maison pour tenter de refaire vos scampis à la vanille et pétales de fleur ou vos souris d’agneau aux oranges et aux gourganes : « Continuer d’apprendre, c’est refuser de vieillir ».