Depuis une dizaine d’années, nous remarquons un intérêt marqué pour les produits alimentaires locaux auprès des Québécois. Plusieurs facteurs expliquent cet engouement, mais l’implication d’Aliments du Québec a possiblement contribué à une sensibilisation accrue aux aliments locaux. Récemment, le programme de reconnaissance Aliments du Québec au menu mis en place par l’organisme vise à souligner les restaurants mettant en valeur les produits alimentaires québécois. Quel impact cela a-t-il sur les producteurs ?

 

D’après Marie-Josée Paiement, propriétaire de la bergerie La Marie Bergère, il n’existe pas de différence. Depuis l’ouverture de sa ferme de Ham-Sud en l’an 2000, une partie de ses ventes s’effectue grâce aux visiteurs s’arrêtant à sa bergerie. Pour expliquer les avantages à favoriser la production local, Mme Paiement répond simplement : « Les gens savent qu’est-ce qu’ils mangent, ils savent que les produits sont toujours frais. »

 

Quant à un partenariat avec un restaurant, celui-ci s’effectue avec l’Auberge La Mara, situé lui aussi à Ham-Sud. Le troupeau étant évalué à environ 150 têtes, nous pouvons estimer que l’impact de ce partenariat est davantage local. Il est par contre possible que les choses évoluent lorsqu’on étend son marché, comme dans le cas suivant.

 

Bien avant la tendance pour les produits alimentaires locaux, Denise Turcotte et George Martel étaient préoccupés par la qualité de leurs produits qu’ils vendaient dans la région de Drummondville. Leur Ferme des Voltigeurs, fondée en 1958, s’est peu à peu tournée vers la production de poulets de grain. David Bourassa, responsable des ventes, explique :

 

« On est les seuls au Québec à pouvoir appeler notre poulet « poulet de grain ». Les normes de l’Agence canadienne d’inspection des aliments disent que pour être appelé « poulet de grain », le poulet doit être nourri exclusivement de grains végétaux, jusque dans la vitamine qui leur est donnée, […]  et ça doit être vérifié au même titre qu’on fait vérifier une appellation biologique. »

 

Des chefs de renom tels que Jean Soulard et Anne Desjardins se sont intéressés à leur poulet de grain. De plus, depuis les cinq dernières années, il est possible de se procurer leur produit dans les épiceries telles qu’IGA ou Métro, un jour ou deux après la journée d’abattage. Devant une telle reconnaissance, M. Bourassa considère que la sensibilisation envers les produits alimentaires locaux est sur une bonne lancée.

 

Nathalie Joannette n’est cependant pas du même avis. Propriétaire de la très petite entreprise Fou du cochon et Scie à La Pocatière, fondée en 2005, elle croit qu’il faut plus que de la sensibilisation pour favoriser les produits locaux :

 

« C’est le marché au complet qu’il faut modifier, c’est-à-dire qu’il faut obliger les détaillants à acheter des produits locaux. Il va falloir aller là un jour. Tant qu’il n’y a pas de loi qui régit ça, le monde fait n’importe quoi. »

 

Par exemple, elle aborde la problématique de s’approvisionner en carottes québécoises à l’épicerie alors qu’il n’existe que des carottes américaines sur les tablettes. Quant à sa propre production, seulement 1 % est destinée aux restaurants alors que le reste est disponible dans les épiceries fines.

 

« C’est des poussières, ajoute-t-elle. Les restaurants, ils en achètent des produits locaux, mais tu ne peux pas vivre des produits aux restaurants. »

 

En fin de compte, la sensibilisation aux produits locaux ne serait pas suffisante. La taille du marché a également son influence. Comme l’a constaté l’agronome Pierre Dumoulin dans son étude sur l’agneau produit au Québec, les Québécois ont acheté en 2007 un total de 70 315 tonnes de viande pour le bœuf, 60 142 tonnes pour le poulet, 37 844 tonnes pour le porc et 803 tonnes pour le mouton et l’agneau. Malheureusement, il est encore tôt pour constater si le programme Aliments du Québec au menu peut changer cette tendance. Au prochain article, nous nous pencherons sur le cas des restaurateurs.