Comme nous l’avons constaté dans l’article précédent, l’obligation pour les restaurateurs d’installer un module d’enregistrement des ventes (MEV) à leur système d’enregistrement des ventes a causé quelques inconvénients. François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ), fait part des préoccupations de ses membres : « [O]n aurait toujours souhaité que le gouvernement trouve une manière de corriger le problème en ne pénalisant pas les bons restaurateurs. Le système choisi a eu pour défaut de faire en sorte que les restaurateurs honnêtes ont été visés autant que les restaurateurs malhonnêtes. »

 

Néanmoins, l’industrie de la restauration reconnaissait la lutte légitime de Revenu Québec concernant l’évasion fiscale, lutte qui devrait permettre de récupérer plus de 2 milliards de dollars d’ici 2018-2019. Est-ce que l’évasion fiscale dans le domaine de la restauration a enfin diminué ?

 

Le 14 février 2013, soit un peu plus d’un an après l’instauration du MEV, Revenu Québec a rapporté une augmentation de l’autocotisation, soit environ 160 millions de dollars. De plus, durant la période se situant entre le 1er septembre 2010 et 31 octobre 2012, le gouvernement québécois a récupéré 1 335 400 $ en amendes de la part de restaurateurs ayant enfreint la nouvelle mesure. Ces restaurateurs s’exposaient à une amende allant de 2000 $ à 100 000 $.

 

Cependant, d’autres restaurateurs ont continué à faire fi de la loi. Plus récemment, le 24 avril 2014, Revenu Québec a déposé 391 chefs d’accusation contre la société 9173-131 Québec inc., aussi connue sous le nom de restaurant Pho Cali, situé à Montréal. Parmi les accusations retenues, notons la production de fausses déclarations, l’omission de tenir un registre avec l’appareil prescrit ainsi que l’impression de factures avec un appareil autre que celui prescrit. Les infractions, qui se seraient produites entre le 23 juin 2011 et le 6 février 2013, ont coûté un total de 796 261,13 $ en amendes, soit une des plus importantes pénalités imposées par Revenu Québec dans le cadre de sa lutte contre l’évasion fiscale dans le domaine de la restauration. L’administrateur du restaurant et sa collaboratrice pourraient être passibles d’amendes supplémentaires ainsi que des peines d’emprisonnement. 

 

L’augmentation de l’autocotisation ainsi que la collecte d’amendes ne sont pas les seules retombées dans la lutte contre l’évasion fiscale. Grâce au MEV, Revenu Québec a remporté plusieurs prix dans l’année 2012. Pour commencer, l’organisme a obtenu deux OCTAS lors du gala annuel Réseau Action TI, soit dans la catégorie «Innovation – plus de 250 employés » ainsi que dans la catégorie « OCTAS de l’Excellence ». Par la suite, le projet a décroché la Palme d’or pour le Prix IAPC pour gestion innovatrice, prix octroyé par l’Institut d’administration publique du Canada. Enfin, Revenu Québec s’est mérité un prix de l'Institut d'administration publique de Québec dans la catégorie « Fonction publique ».

 

Aujourd’hui, le module d’enregistrement des ventes fait partie des habitudes des restaurateurs, y compris ceux qui incluent les frais liés à cet appareil lors de la rédaction de leur plan d’affaires. Le MEV est présent dans environ 20 000 établissements de restauration et le gouvernement du Québec a constaté une réduction de l’évasion fiscale de plus de 400 millions de dollars.

 

Après le succès et les honneurs, que reste-t-il maintenant ? Dès l’automne 2014, pendant cinq mois, 3100 bars et 2800 resto-bars devront installer un MEV auprès de leur système d’enregistrement des ventes. En effet, selon Revenu Québec, les pertes fiscales liées à ce secteur sont évaluées à plus de 75 millions de dollars par année alors que l’organisme compte récupérer 109 millions de dollars au cours des trois prochaines années. Pour le consommateur, cela signifie la réception systématique de la facture avec son fameux code-barres. Pour les propriétaires de bars ou de resto-bars, il s’agit d’une histoire à suivre…